Tout a commencé au cégep, alors que je faisais mes premiers pas dans ma vie de presqu’adulte, à tout juste seize ans.
Au moment de m’inscrire à l’université, je me questionnais : après quatorze ans d’études en musique, devrais-je poursuivre dans le même domaine à l’Université Laval ou faire une demande dans une discipline plus scientifique, comme la pharmacie? Finalement, la raison l’a emporté sur la passion!
Le 23 décembre 1978, au volant de mon Chrysler 1967 en compagnie de l’un de mes frères, je roulais en direction de la Gaspésie pour rejoindre ma famille pour Noël. Mon frère me demande alors : « Tu vas faire quoi quand tu auras terminé en mai prochain? ».
Fièrement et naïvement, je lui dis que je voudrais ouvrir une pharmacie, mais qu’auparavant je vais travailler quelques années. Il me répond : « Pourquoi juste une pharmacie? », question à laquelle j’ai rétorqué : « J’ai dit une pharmacie, pour commencer, mais… peut-être deux, ou même vingt-deux un jour! ».
Réponse prémonitoire?
Après deux ans de travail à Amqui, j’informe mon employeur que j’aimerais bien devenir propriétaire. Comme il opérait la pharmacie seul depuis plusieurs années avant mon arrivée, et qu’il était âgé de 55 ans, je me disais qu’il m’offrirait peut-être quelque chose. Hélas, ce n’est pas arrivé.
Je me suis donc mis à la recherche d’un endroit dans ma région, en Gaspésie, et j’ai constaté qu’il n’y avait qu’une seule pharmacie à Sainte-Anne-des-Monts pour desservir la population et les villages environnants. Il y avait selon moi de la place pour deux pharmacies (et j’avais raison, car aujourd’hui il y en a bien deux).
J’ai donc « consulté des consultants » de Québec pour m’aider dans ma démarche. Ce fut un fiasco sur toute la ligne. Des consultants incompétents qui coûtent trop cher, un groupe de médecins dont la fiabilité était la même que les voitures Lada de l’époque, une pharmacie ouverte depuis plusieurs années qui a vu ses associés se dissocier pour ouvrir une 3e pharmacie, des taux d’intérêts au-dessus de 20 %, un gérant de banque qui était le meilleur ami de mes compétiteurs… disons que les astres étaient alignés pour un désastre! Et c’est effectivement ce qui s’est produit. J’ai dû fermer après seulement dix mois d’opérations, avec des dettes de 150 000 $. En 1982. Mauvais départ!
Frustré mais pas découragé, j’avais 26 ans et pas grand-chose à perdre. Avec ma conjointe, Mariale, et notre premier garçon, Simon, nous avons décidé de revenir à Québec, où la population et les opportunités me semblaient plus nombreuses.
Je suis donc reparti à zéro, avec mes dettes et mon obstination, dans le tout petit local d’une clinique médicale. Après trois ans de travail à temps plein avec mon épouse, c’est-à-dire 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, j’ai pu embaucher de l’aide. J’avais presque terminé de payer mes anciennes dettes, sans faire faillite, ce qui est selon moi la plus belle expérience de gestion que l’on peut vivre (ou subir).
L’autre élément marquant pendant cette période fut ma rencontre avec mon nouveau gérant de banque, qui m’a fait réaliser que je ne connaissais pas mon entreprise en me parlant de bilan, de fonds de roulement, de ratios et d’avoir des actionnaires. Moi qui croyais qu’après trois ans d’efforts soutenus, ma pharmacie se portait bien! Il m’a donné l’impression que j’étais encore en mauvaise posture, car je ne comprenais pas ce dont il me parlait.
Après plusieurs démarches afin de déterminer si je devais suivre un cours en tenue de livres ou m’inscrire au BAC en administration, j’ai décidé, suivant les conseils judicieux du directeur de programme, de m’inscrire au MBA. Durant ces trois années d’études, je me suis associé pour l’achat d’une seconde et d’une troisième pharmacie et notre deuxième garçon, Jérôme, est né. Pas facile de donner le biberon à 5 h du matin en lisant le matériel du cours en droit des affaires, ou en tentant de maîtriser l’application des « lambdas » pour le cours de finance.
Fort de mes nouvelles connaissances, j’ai pu acquérir au fil des années, avec ou sans associés, jusqu’à 22 pharmacies. Hasard ou destin?
Durant cette période, je suis devenu papa pour une troisième fois d’une belle petite fille, Laurie-Ève, qui est devenue pharmacienne, tout comme son frère Jérôme. Ils prennent progressivement la relève de nos pharmacies, pendant que leur frère aîné veille sur les plus jeunes, en plus de superviser le volet immobilier.
Au cours de ces années, j’ai pu constater l’importance d’être indépendant, tant dans mon parcours de professionnel de la santé que dans mes obligations financières et contractuelles.
J’ai eu l’opportunité de siéger au conseil d’administration d’une bannière, ce qui m’a permis d’avoir une vision différente, générale et plus complète de l’industrie pharmaceutique. J’ai également constaté que les pharmaciens communautaires devaient rechercher auprès de multiples fournisseurs les produits et services demandés par la clientèle, de plus en plus exigeante et vieillissante, une clientèle dont je fais partie aujourd’hui.
C’est ainsi qu’après plusieurs mois de démarches, j’ai obtenu en 2005 ma licence de distributeur et la reconnaissance de la RAMQ et de Santé Canada pour débuter l’aventure de Distribution Pharmaplus (DP+).
En 2020, j’ai aussi pris la décision de créer un regroupement de pharmaciens afin de redonner au professionnel son rôle premier, soit celui de conseiller auprès de la population, à l’intérieur d’un partenariat lui permettant d’agir librement quant à son orientation professionnelle et de s’éloigner du volet un peu trop commercial dans lequel j’évoluais jusqu’ici.
C’est ainsi qu’est né Groupe Horizon Santé, un regroupement de pharmaciens qui vise à soutenir la population dans ses efforts pour demeurer en santé, en changeant les mentalités. On ne vient plus à la pharmacie parce qu’on est malade, mais parce qu’on veut rester en santé.
Évidemment, vendre des médicaments demeure au centre de la profession, mais elle tend à se spécialiser. Horizon Santé permet au pharmacien d’investir plus de temps et d’énergie dans sa profession et moins d’effort dans l’aspect commercial, qui demeure tout de même indissociable.
Aujourd’hui, 18 ans plus tard et fier de la place que DP+ occupe sur le marché, je peux dire que j’ai accompli mon objectif d’offrir aux pharmaciens du Québec la possibilité de s’approvisionner sans obligation auprès d’une entreprise québécoise indépendante, afin d’obtenir tous les produits et services nécessaires aux exigences de la profession.
Je continue à rechercher, avec l’équipe extraordinaire qui m’entoure, les produits dont vous, pharmaciens et pharmaciennes, avez besoin pour exercer votre profession en toute indépendance.
Laurier Lavoie, fondateur du Groupe Horizon Santé
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